En 2023, Harare concentre plus de 20 000 parcelles cultivées, aussi sur des terres publiques. La législation zimbabwéenne interdit formellement l’exploitation agricole sur certains espaces urbains, mais les autorités locales ferment souvent les yeux face à la multiplication de ces initiatives.
La croissance rapide des villes bouleverse les usages fonciers et fragilise la sécurité alimentaire des populations citadines. Les stratégies développées par les habitants pour contourner les contraintes officielles témoignent de tensions persistantes entre réglementation, besoins économiques et dynamiques démographiques.
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Plan de l'article
- Pourquoi l’agriculture urbaine s’impose au Zimbabwe aujourd’hui
- Quels défis freinent l’essor de l’agriculture péri-urbaine ?
- Portraits d’initiatives locales : des solutions innovantes face à l’insécurité alimentaire
- Vers une agriculture urbaine durable : quelles perspectives pour les villes africaines ?
Pourquoi l’agriculture urbaine s’impose au Zimbabwe aujourd’hui
Le Zimbabwe est à un tournant : la situation alimentaire se dégrade à vue d’œil. Les données publiées par la Banque mondiale et la FAO sont sans appel : 38 % des citadins survivent sous le seuil de pauvreté. Les prix de la nourriture s’envolent, tirés par une succession de sécheresses et l’effondrement du dollar zimbabwéen. Impossible pour de nombreuses familles de se permettre un panier de base, alors elles investissent la moindre parcelle inoccupée pour faire pousser légumes ou céréales. L’urgence l’emporte sur toute interdiction.
Désormais, la sécurité alimentaire urbaine dépasse largement les anciennes frontières rurales. À Harare, Bulawayo ou Mutare, chaque interstice se transforme en potager : emprises ferroviaires, berges des rivières, terrains publics… L’agriculture urbaine n’est plus marginale, elle façonne désormais le quotidien de centaines de milliers de personnes.
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L’explosion urbaine, la fragilité du produit intérieur brut national et le chaos des circuits de distribution mettent la pression sur l’accès aux produits alimentaires. Les familles s’organisent pour contrôler ce qu’elles mangent. Selon la FAO, 15 % des légumes avalés en ville proviennent désormais de ces cultures citadines.
Pour mieux comprendre ce basculement, il faut s’attarder sur plusieurs forces en présence :
- Développement : face aux ruptures d’approvisionnement et aux lacunes des politiques agricoles classiques, les urbains réinventent leur manière de produire.
- Motivations : renforcer leur autonomie dans une économie instable, se protéger de la volatilité des importations.
- Enjeux : le foncier, l’accès à l’eau, la reconnaissance officielle et le soutien d’organisations internationales comme l’ONU ou le PAM sont au centre du jeu.
La question alimentaire hante désormais la vie politique du Zimbabwe. L’agriculture urbaine assume pleinement son nouveau rôle de moteur pour le développement en Afrique. Ce n’est plus la simple débrouille des temps difficiles.
Quels défis freinent l’essor de l’agriculture péri-urbaine ?
Un verrou bloque encore la dynamique : la pression foncière. Année après année, l’urbanisation ronge les marges des villes, grappille mètre par mètre. Lotissements informels, spéculation effrénée, manque d’inventaire précis : impossible d’y voir clair dans la propriété du sol. Sur ces terres, héritées bien souvent d’une période coloniale, les droits restent flous ou contestés. Les décideurs balancent entre les promesses d’aménagement et la nécessité de garantir l’alimentation urbaine.
Mais l’enjeu ne se limite pas à la terre. L’accès à l’eau ouvre un second front. Les infrastructures n’avancent plus, les puits s’épuisent, la concurrence avec les besoins domestiques s’exacerbe. Sans investissements lourds dans l’irrigation ou la gestion collective, chaque maraîcher reste exposé. Côté public, les décisions arrivent tard, et la coordination nationale est encore trop faible pour transformer la donne.
Sur le plan institutionnel, la confusion domine. Les programmes appuyés par la SADC et diverses structures de coopération rurale s’éparpillent faute d’arbitrages. Le dialogue, rare avec les acteurs de terrain, retarde l’adoption de solutions qui ont pourtant fait leur preuve. Plusieurs partenaires comme le Wageningen Centre ou la Commission de la communauté de développement d’Afrique australe sont pourtant présents, prêts à épauler les équipes locales.
Dans ce contexte, quelques obstacles majeurs freinent encore la progression de l’agriculture péri-urbaine :
- Conflits persistants sur l’usage des sols entre habitat, infrastructures et agriculture
- Approvisionnement difficile en eau, équipements vétustes ou insuffisants
- Stratégies publiques morcelées, coordination souvent absente entre décisionnaires nationaux et régionaux
Portraits d’initiatives locales : des solutions innovantes face à l’insécurité alimentaire
Dans certains quartiers périphériques de Harare, la friche a cédé la place à l’ingéniosité collective. Le regroupement Mbare Urban Agriculturists bouscule le paysage local : collecte et partage d’eau, mutualisation des outils, distribution équitable des récoltes. Lors des pics d’inflation, ce système de quasi auto-approvisionnement préserve les familles de la spirale des prix.
À Bulawayo, un centre de coopération rurale a pris le parti de l’expérimentation. Ici, on recycle les eaux grises, on composte chaque déchet organique, on alterne savamment les cultures. Les responsables, ayant bénéficié de formations spécialisées, adaptent les techniques éprouvées ailleurs à l’aridité locale. Résilience et innovation : semences adaptées à la sécheresse, irrigations partagées, tout est orienté vers la durabilité.
Cap au nord, direction Chinhoyi, où une initiative mise sur le dynamisme de la jeunesse. Des diplômés en agronomie s’engagent dans l’entrepreneuriat rural avec une ambition claire : revitaliser la production locale, grappiller sur les importations et freiner l’exode. Malgré leur envergure encore limitée, ces exemples ancrent un vent de renouvellement. Les échanges à l’échelle régionale, les appuis du CTA ou de la FAO, permettent d’ajuster les méthodes pour répondre au casse-tête de l’alimentation urbaine.
Vers une agriculture urbaine durable : quelles perspectives pour les villes africaines ?
Le développement de l’agriculture urbaine zimbabwéenne s’inscrit dans une dynamique continentale. Utilisant l’inventivité locale pour répondre à la pression démographique et à l’incertitude des réseaux d’approvisionnement, les grandes villes africaines cherchent des réponses pérennes. Les organisations internationales, parmi elles l’Organisation des Nations unies, favorisent la coopération régionale et encouragent l’adoption de modèles venus d’Asie ou du programme alimentaire mondial.
Pour bâtir la ville nourricière de demain, plusieurs leviers font figure de boussole :
- Priorité donnée à la gestion durable des ressources foncières, surtout en périphérie où la concurrence s’intensifie.
- Bénéfices potentiels liés aux technologies adaptées : irrigation soignée, compost urbain, serres pensées pour les conditions africaines. Encore faut-il que ces innovations restent accessibles à tous, petits producteurs compris.
- Implication croissante des collectivités locales, qu’il s’agisse de structurer les marchés ou de fiabiliser la logistique de distribution.
Entre Harare, Lagos, Dakar et Nairobi, les échanges s’accélèrent. Ce réseau de villes tisse une réflexion collective sur la place de l’agriculture dans la cité africaine moderne. La question n’est plus simplement de nourrir ou non les urbains, mais de remodeler l’espace commun, d’aiguiser la résilience et d’inclure tous les citadins dans la construction du futur. Le Zimbabwe, en première ligne, rappelle qu’une ville peut redevenir un creuset fertile, à condition de miser sur la créativité et la ténacité de ses habitants.